Laetitia Lesaffre, talentueuse artiste peintre et photographe, m'a généreusement proposé de prendre une revanche grâce aux magnifiques portraits "Kinstugi, Reflet de femme", qui capturent l'essence et la beauté de la féminité avec une sensibilité unique.
Peu après le fameux #Metoo j'ai tweeter sur mon expérience de violence. Cette photographe m'a contacté pour une séance qui immortalisait les femmes victimes de violences sexuelles. C'était mon tout premier photoshoot.
Le kintsugi est une technique japonaise qui signifie "Reliure d'or". Elle consiste à réparer des objets cassés avec de l'or. À l'origine utilisée pour les objets du quotidien, cette technique est aujourd'hui au profit de la photographie. Le but n'est pas de cacher les fissures, mais de les mettre en valeur. Quelque chose d'abîmée peut ainsi devenir plus fort et plus belle qu'avant.
Viol, inceste, harcèlement, violences conjugales... Toutes les modèles portent des blessures, de VSS qu'elles s'efforcent de réparer. Issues de tous milieux et de tous âges — artistes, militantes, étudiantes, juristes — et essaient de se réparer à leur manière.
Leur reflet est capturé par Laetitia dans un tableau vernis, puis imprimé sur papier ou céramique. L'image est ensuite brisée et réparée avec de l'or 24 carats, à la manière d'un objet en kintsugi. Chaque œuvre, unique, ornée d'or véritable affirme que ces fêlures ne nous définissent pas mais deviennent notre force.
J'ai exposé à la Cour d'appel de Paris. Ce jour-là, mon travail était sur les murs, et moi, face aux institutions : Mme Isabelle Rome, alors ministre de l'Égalité, le président de la cour, des hauts magistrats, tous allaient m'entendre.
Je pris donc la parole, non pas pour remercier, mais pour rappeler à ces Messieurs Dames les hauts fonctionnaires que leur devoir n'était pas à la congratulation d'un tel évènement, mais en la réalisation de politiques qui feraient que des destins comme le mien deviennent rarissimes.
Quand la justice nous échappe, on apprend à se rendre justice autrement.
Chaque photo dit ce qu'un tribunal a refusé d'entendre.
Puisque les institutions n'ont pas voulu voir, je me montre. Puisqu'elles n'ont pas voulu écouter, je parle à travers l'art. Je fais de mon corps une preuve vivante, je transforme la honte en esthétique, la sidération en narration.
C'est ma façon de répondre : en beauté, en force, en public.
Me voici 5 ans après mon viol. En pleine voie de reconstruction. L'une de mes photos fut achetée par Bercy, tant de symbole d'être l'égéries d'une exposition contre les violences faites aux femmes dont le portait trône dans le ministère de l'économie.
L'État m'a reconnue comme victime à travers une photo. Une photo achetée par un ministère, en l'absence de procès.